Rouge décanté relate les souvenirs de l’écrivain néerlandais, Jeroen Brouwers, qui, enfant, lors de la Seconde Guerre mondiale, fut enfermé avec sa mère, sa grand-mère et sa sœur dans un camp d’internement japonais.
Dans ce texte douloureux et puissant, qui raconte un pan de l’histoire longtemps occulté, l’auteur relate l’horreur de ce qu’il a vu, mais plus encore l’état d’un enfant qui absorbe ce qu’il voit sans comprendre, et les conséquences que cela a sur sa vie d’adulte.
Il dépeint comment une part de lui est restée là-bas, dans les camps, brisant sa relation à sa mère puis aux femmes, entravant son accès aux émotions.
Pour transposer ce récit sur scène, le metteur en scène, Guy Cassiers, utilise les ressources du son et de la vidéo, qui viennent amplifier l’émotion et l’humanité des êtres, installant une forme d’intimité et invitant à imaginer ce qu’on ne voit pas. Rouge décanté parvient ainsi à créer sur scène l’espace mental de cet homme, un homme morcelé, démultiplié par les caméras qui le filment au plus près, toile d’araignée dans laquelle il se débat. Il s’agit ici d’entrer physiquement dans sa mémoire, dans sa chambre intérieure.
“Je voulais que tout l’espace devienne la personne, que les spectateurs ne soient pas seulement passifs et dans l’écoute d’une autre personne, mais qu’ils entrent vraiment dans la vie de cet homme.”
Passant par tous les âges, jouant l’enfant de cinq ans comme l’homme mûr, le comédien Dirk Roofthooft descend profondément, comme en apnée, dans la noirceur et la cruauté humaine. Rien chez lui ne relève de la déclamation et la moindre hésitation creuse son trou. Ses gestes, petits mais nombreux, sont comme un pansement pour l’indicible. Et c’est ainsi qu’imperceptiblement, il occupe la vaste scène sans que jamais ne se perde la fascination que son personnage exerce tout au long de ce voyage bouleversant.
« Rouge décanté est un spectacle remarquable en tous points. La mise en scène de Guy Cassiers déploie ici tous les sortilèges de son théâtre multimédia et multisensoriel. Et Dirk Roofthooft est un immense comédien qui descend ici au coeur des ténèbres humaines.
Bouleversant. » Fabienne Darge dans Le Monde, 4 décembre 2015